J'avais
appris de Phillip Jones, conservateur au South australian museum, que
la région de Tennant creek, à 500 km au nord d'Alice
spring, le long de
la stuart highway, etait un centre important de la fabrication de
wirlki, ces fameux bâtons de guerre en col de cygne, et de kylie,
bâtons sans
sans
bec mais typique du centre australien. Aussi quand j'arrivais à
Tennant creek j'essayer de vouloir me renseigner a ce sujet
auprés du
centre culturel Aborigène de la ville. Me heurtant à une
porte
fermé,
je decidais, ayant la journée devant moi, d'aller faire un tour
20 km
plus au nord,
visiter un site sacré pour les femmes nommé Kundjarra,
accessible aux
visiteurs. Ce site est un site similaire assez similaire aux amas de
rocher a la forme de bille gigantesque du site trés connu de
devil's
marble(karlwe karlwe) situé à une centaine de
kilomètres plus au sud.
Tandis que je parcourais le site, je croisais un couple d'australiens,
seuls visiteurs du site a part moi. Alors que je m'appretais à
reprendre
ma route, l'homme s'avança non loin avec un boomerang moderne en
plastique dans l'intention de faire quelques essais de lancer. En
regardant son boomerang en plastique dont le reglages etait
déformé par
la chaleur, je lui dis qu'il ne volerait surement pas correctement pour
cette raison.
De la, nous discutames un moment sur le boomerang, et a un point de ses
questions, j'entrepris de lui montrer quelques boomerangs et
bâtons
de
chasse déja realisés à partir de pièce de
bois
trouvé dans le bush. Au
moment ou je sortis un des kylies typiques de la région du
centre
celui
me dit qu'il avait rencontré un homme Aborigène qui
fabriquait exactement ce type d'objet ! Apparement celui ci s'appelait
Joe Bird et habitait une petite communauté appelée Al
currung, qui
possedait une gallerie d'art ouverte aux visiteurs. Cela se
situé 100
km au sud en tournant sur un embranchement prés de Wycliffe.
Le coeur plein de joie d'avoir enfin trouvé exactement ce que je
cherchais, je remerçiait les deux australiens de cette precieuse
information, fit demi tour, et fonçais direct sur mes pas vers
le
sud.
Au bout d'une etroite route goudronnée à juste 20 km de
la stuart
highway, je decouvrais la communautée d'Al currung: Des maisons
d'habitations en toles ondulés, quelques jardins dans
lesquels
dorment des vielles voitures, des chiens errants sur les
allées de
sable rouge et un arbre a l'entrée du bourg sous lequel quelques
Aborigènes d'Al currung attendais surement un vehicule
improbable. Je
realisais a
ce moment que ne savais pas vraiment ou trouver ce Joe Bird et je
commençais par saluer quelque uns des habitants en demandant le
chemin
de sa maison, mais sans trop de succés. Puis j'echouais devant
la
gallerie d'art qui etait en ce samedi fermée ! ne voulant pas
renoncer,
je fis un tour a pied a travers la comunauté essayant ça
et
la de
demander si quelqu'un connaissait Joe Bird. Finalement une femme
agée me repondit d'un air enthousiaste "ah le viel homme qui
fabrique
des boomerangs, c'est la bas !", la remerciant je repris ma voiture
pour aller me garer devant la dite maison.
En m'approchant du jardin, je fut stupefait. je m'attendais à
trouver quelque
atelier de fabrication de boomerang ou bâtons decoratifs en serie
que l'on retrouve souvent dans les galleries un peu partout en
australie et surlequel j'etais tombé déja quelque fois
dans ma
recherche. Mais la, non, point de cela, d'innombrables copeaux de bois
couvraient entierement le jardin, des trous avaient été
creusés pour y
"planter" les pièces de bois et les fendre à la hache, et
plusieurs
foyers dont les cendres etaient etalés servaient a chauffer les
pièces.
Des troncs , piéces de bois a differentes étapes de
dégrossisage et
quelques kylies etaient posés à terre avec d'autre outils
comme des
haches, hachettes, limes, barres a mine ect. une escouade de chiens
errant
omnipresents tournaient autour du jardin.
L'un des hommes etait en train de finir un kylie à la lime
tandis que
l'autre avait un pied sur un kylie qui etait a moitié
posé dans les
cendres chaudes.
Trois hommes se trouvaient la, dont Joe Bird, et deux de ses
amis,
l'un également fabriquant de kylie nommé George, et un
viel homme(dont j'ai oublié le prenom) qui
regardait assis sur une chaise. Je saluais donc Joe et
George, leur expliquant mon grand interêt d'en apprendre plus sur
la
fabrication de kylie et leur montrant mes ebauches de bâton de
jet
experimentaux ainsi qu'un bâton fabriqué en france en
buis, dont le
bois les surpris par son aspect trés different des bois
d'accacia. Il
me permit de rester un moment à les regarder travailler et
m'essayer à
poser quelques questions.Mais j'ecarquillais surtout d'abord les yeux
et
ecouter ce qu'il voulait bien m'expliquer. J'avais oublier complement
mon appareil à photo, et quand cela me revint a l'esprit, je
n'eu même pas
envie d'aller le chercher de peur de "louper" l'experience de ce
moment, et m'appliquais donc à le graver plutôt dans mon
esprit que sur
des
pixels. Une des première chose qu'il me dit est qu'il etait un
homme
Wanambi et
qu'il fabriquait depuis toujours des kylies que l'on fait dans son
pays.
Puis me montra
un de ses kylies terminé. J'examinais l'objet et le regardais
transversalement pour observer les profils taillés. A ce instant
je sus que Joe
fabriquais en ligne droite de la tradition de ses
ancêtres malgré la plus grande
modernité de ses outils.
Le profil, loin d'être une simple epaisseur monotone courante
comme
souvent sur des objets decoratifs, s'etendait en format biconvexe
depuis la
pale de prehension, pour diminuer sur la face inferieure de l'objet
et
devenir plane convexe sous l'autre pale courte, Un profil particulier,
mixte que j'avais observé sur la plupart des kylies du centre,
dans les
collections des musées et qui est l'un des plus performants qui
soit
pour un bâton de chasse.
Puis je regardais la planeité de l'objet. Le kylie etait
merveilleusement inclue dans un plan, sans torsions aberrantes mais
avec
juste un peu d'incidence positive sur la pale longue pour donner du
planer au bâton durant son vol.Il ne s'agissait pas simplement
d'objets decoratif mais fabriquer pour voler et atteindre une cible.
Joe me dit que l'on pouvait chasser le kangourou avec ses kylies, et je
voulais bien le croire, au vu de la qualité de leurs fabrication.
Il m'expliqu'a qu'effectivement il se servait des trous dans le sol
pour
y bloquer les tronc d'arbres et les fendres en deux, methode
traditionelle surement trés ancienne dans le centre de
l'australie.
Puis, j'observais la methode qu'ils employaient pour la remise a plat
et
le réglages de leurs kylies:
Le bâton etait mis a plat dans un petit foyer de cendre chaude
pendant quelques minutes, puis retiré avant qu'il ne se
carbonise. Ensuite, le coude du kylie en appui sur un petit rondin de
bois et une
pale en appui sur le sol dur, Joe appuyait avec le pied sur la grande
pale avec dosage
pour regler les torsions du bâton de chasse.
Mais bien sûr !, avec les pied ! pensais je, moi qui avait
essayé cette torsion manuelle avec mes bras sur des boomerangs
avec succés, mais qui echouait par manque de force sur les
bâtons de chasse beaucoup plus epais et difficiles à
tordre.
l'utilisation sur cet appui en bois etait aussi tout fait
astucieuse.
Je m'essayais à poser quelques questions, notament sur les
outils en
pierre qui etaiet utilisés autrefois.
Le viel homme assis a l'ecart devint à ce sujet assez locace,
debitant
des explications detaillés a ce propos, mais en raison de son
anglais peu comprehensible, je ne saisis malheureusement seulement
quelques bribes.
Ce qui etait sûr c'est que ce viel homme avait connu l'epoque de
la fabrication avec des outils plus rudimentaires.
Joe m'avoua qu'aujourd'hui il utilisait aussi quelques outils plus
modernes parfois pour accélerer la fabrication, notament pour le
ponçage de finition assez long, autrement. Il est vrai que ce
travail est son gagne pain et qu'il vends ces kylies a la gallerie pour
survivre, me dis je en regardant la baraque delabré en tole
ondulée qui lui servait de toit.
Finalement il me proposa logiquement de me vendre l'un ou l'autre
de ses kylies en mulga, non encore tout à fait fini, à un
prix
interessant. Je choisi celui qu'il avait eté reparé a
l'intrados avec de la resine de spinifex et me semblait en parfait
état de vol avec des reglages de pales bien dosé.
Celui ci n'etait pas tout à fait poli, les marques de lime
encore bien visible à sa surface, mais j'appréciais cet
aspect brut.
Les kylies que fabriquaient Joe pour la vente ne comportaient pas de
rainurage, aussi lui demandais je pour quelle raison. Il me repondit
qu'il faisait des modèles rainurés, mais que c'etait
beaucoup de travail, alors il les gardait generalement pour lui. Je
perçu dans ces propos que cela semblait être un sujet
sensible comme si c'est rainurage n'etait pas pour des "non
initiés" et cela expliquer pourquoi il n'en faisait pas
courament ainsi pour les vendres aux blancs.
De son coté Joe s'interessa aussi a l'
ébauche
de kylie que j'avais fabriqué de mon coté, en suivant
les caractéristiques précises de bâton de ce type
etudié au musée quai Branly. Il me demanda ou j'avais
trouvé le bois de mulga, Celui ci provenant de la région
de Coobar semblait en effet encore plus dur et lourd que celui qu'il
utilisait localement. Ce faisant, je comparais mon ebauche à son
kylie terminé que je m'etais decidais à lui acheter.
Quelle fut ma surprise, il se superposaient pratiquement avec le
même elargissement caractéristique de la pale la plus
courte ! De la même façon les dimensions traditionnelles
de ces objets avaient dû se transmettre de generations en
generations Jusqu'a Joe.
Finalement je prenais congés voyant qu'il semblait finir leur
session de travail et promis de revenir dans deux jours pour
visiter la gallerie de la communauté.
Je
retournais vers Wycliffe car je ne savais pas si je pouvais camper
sur place à Al Currung, puisqu'il faut pour cela generalement
demander une
autorisation au prealable(un permis spécial, en raison de
problème d'alcool et de trouble causé dans les
communauté par des contact trop fréquent avec des blancs
pas toujours trés bien intentionnés).
Le lendemain, j'allais essayer le kylie de Joe dans le bush, impatient
de voir comme il allait se comporter en vol. Les lancers furent
trés concluant, la trajectoire droite et précise et la
distance de 60 m un peu courte à cause du poids.
Je remarquais en effet ce kylie semblaient nettement plus lourd que
ceux des collections du
musées et l'explication de ce surpoids s'imposa a moi: Le
rainurage manquant, celui aurait dû alléger un peu plus
l'objet , qui aurait alors atteint une masse optimale et une
portée supérieure.
Un jour aprés, je retournais a Al currung et fis d'abord un tour
a la gallerie d'art Aborigènes ou je pus admirer toute sorte de
peintures, d'objets en bois fabriqués par les artistes de la
communauté vendus sans intermediaire (ces objets atteingnent
ensuite dans les galleries Aborigènes des grandes villes souvent
trois fois leur prix et la différence ne va pas dans la poche
des artistes...). Il y avait aussi beaucoup de kylies fabriqués
par Joe et George, certains etant de qualité inférieure
étant donné leur production en petite série, mais
parmi ceux la de veritables bâtons de chasse trés bien
fabriqués dont certains attirèrent mon attention car
façonné avec un bois encore plus sombre que le mulga.
Puis je repassais a la maison de Joe pour le saluer. Il me proposa
d'aller chercher quelques pièces de bois, ayant besoin d'un
coffre de voiture pour les transporter. J'acceptais, et nous
embarquames des outils, une grande hache, une barre a mine, et nous
voila cahotant sur des pistes sableuses à
l'extérieur du village.
Il ne semblait pas y avoir beaucoup d'arbre Mulga dans les environs,
mais Joe me dis que nous allions trouver quelque chose, "Ici, celui la,
passe moi la hache" me dit il en designant un arbre à l'ecorce
noire qui ressemblais a celle d'un pin ayant brulé dans un
incendie, à la forme torturé , d'ou pendait quelques
houpettes de feuille trés allongés. A première vu
cet accacia avait bien moins fière allure que le fameux mulga,
mais Joe me dit qu'il l'appelait "dogwood" et qu'il etait "ok" et
s'en approcha pour le jauger et sans tenir aucune compte des quelques
branches, il creusa directement au pied de l'arbre pour degager la
jonction entre le tronc et la racine. Le premier de convint pas,
mais au troisième arbre, enfin il attaqua la base du tronc a
l'aide de sa hache. Son efficacité m'impressiona, et même
s'il n'etait plus tout jeune, Joe coupa a l'aide de quelques coup de
hache un tronc d'acciaca trés dur de plus de 10 cm d'epaisseur,
sans faire de grand mouvement de bras mais avec une concentration
maximale a chaque frappe et juste accroupis trés prés du
tronc.
Je pris le relais pour l'autre extrémitée, mais
même habitué un peu à la taille du bois pour
mes boomerangs en france, je ne parvins pas a egaler la moitié
de sa vitesse de coupe. l'envellope d'écorce epaisse de cet
arbre etrange revela en fait un coeur trés sombre et dur
magnifique pour la construction de bâtons de jet. Plus tard, en
l'identifiant, je m'aperçu qu'il s'agissait d'
accacia coriacea
avec lequel je fit plus tard quelques essais de mon coté.
Cette sortie ne dura pas plus d'une heure, mais m'apprit plus que des
jours entiers à lire des livres et j'intregrais bien le fait que
les parties les plus recherchées des arbres en milieux aride
pour fabriqué des kylies sont bel et bien le tronc et les
racines. Je l'avais deja lu il y a longtemps dans un article, mais la
etait la différence entre apprendre theoriquement et savoir par
l'experience directe. Pendant le trajet Joe voulu faire un detour qui
semblait important pour lui prés d'une mare temporaire, mais
nous passames le chemin car elle etait à présent
asséché. A une question sur la resine de spinifex qu'il
utilisait pour reparer ses bâtons de chasse il commença a
evoquer un lieu nommé "cold lake" ou l'on pouvait en recolter.
Plus tard je lisais dans un livre sur la recolte de cette resine
qu'effectivement elle se recolte sous sur une especé de spinifex
tendre, trés particulière, qui pousse prés des lac
asséchés...
Malheureusement je devais quitter Al currung le lendemain pour
poursuivre mon periple vers le nord, pris par des imperatifs que je
m'etais assez stupidement fixé.Parfois je regrette de n'avoir
pas eu la patience de rester encore dans la region pour repasser
d'autres jours à Al currung, il restait tant de chose a
apprendre !
C'est avec ce sentiment un peu partagé que je continuer
finalement ma route, ajouté d'un peu de tristesse d'avoir vu
toute cette science de Joe, qui n'etait plus dedié aujourd'hui
qu'a decorer bien souvent les murs des maisons des touristes de
passage. Ses kylies meritaient mieux que ça.Il meritent de
voler. Car ils gardent encore la magie de cette veritable
utilisation grâce à un precieux savoir faire,
heritier d'une tradition millénaire .